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Kristine Drakich: « J'adore le fait que le volleyball et le sport de compétition soient comme un laboratoire de vie »

Il n'y a pas grand-chose que Kristine Drakich n'ait pas encore fait au cours de sa carrière au volleyball.

L’entraîneure-chef de volleyball féminin des Varsity Blues de l’Université de Toronto occupe le poste depuis 1989-1990 et a mené l’équipe au top quatre des SUO en 30 de ses 31 ans, y compris une séquence de 22 ans pour commencer sa carrière. Sous sa direction, l’équipe a remporté 11 titres de champion des SUO. Elle a guidé l'équipe vers une fiche parfaite en 2015-2016, permettant alors au programme de remporter le premier championnat national de son histoire, un an après qu'U SPORTS lui eut décerné le titre d'entraîneure de l’année.

Drakich a été entraîneure à tous les niveaux du volleyball, et ce jusqu'au niveau international, autant au volleyball intérieur que de plage. Elle a dirigé des équipes à des championnats du monde, des championnats de la NORCECA ainsi qu'aux Jeux du Canada. Elle a été nommée entraîneure de l'année par Ontario Volleyball ainsi que par le Centre national de haute performance 3M, en plus d'être proclamée entraîneure de l'année de SUO neuf fois.

À l'époque où elle jouait – elle portait aussi les couleurs des Varsity Blues à ce moment-là –, Drakich agissait comme capitaine d'équipe et elle a été nommée au sein des équipes d'étoiles nationales. Elle a fait partie des équipes nationales canadiennes d'intérieur et sur plage. Sa mère Mary et son frère Ed, le directeur de la haute performance du volleyball de plage à Volleyball Canada, ont aussi évolué avec l’équipe nationale. En 2001, Drakich a été intronisée au Temple de la renommée des sports de l'Université de Toronto.

Volleyball Canada a récemment eu l'occasion de s'entretenir avec Drakich à propos de sa carrière d'entraîneure et de ses perspectives sur son métier.

Volleyball Canada : Commençons par votre carrière de joueuse. Quel a été votre moment le plus mémorable ?

Kristine Drakich : Il y en a eu tellement, c'est difficile d'en choisir un seul. Je dirais le premier été où j'ai joué avec l'équipe nationale junior du Canada – c'était très impressionnant puisque j'ai découvert quelque chose que je n'avais jamais vécu auparavant. Cet été-là, j'ai réalisé à quel point j'adorais m'entraîner, apprendre et travailler collectivement avec un groupe incroyable de personnes engagées et prêtes à travailler fort. Nous nous sommes entraînées au Collège John-Abbott à Montréal trois fois par jour pendant quelques semaines. Après l'entraînement, nous avons fait une tournée en France et en Italie.

Michel Gagnon était l'entraîneur-chef et Charles Cardinal était le chef de la délégation quand nous sommes allées en Europe, et ils ont été des chefs de file remarquables à ma première expérience à ce niveau-là. Michel Gagnon et Charles Cardinal ont tous deux grandement contribué au sport du volleyball au Québec et au Canada, ils ont tous deux été intronisés au Temple de la renommée de VC – et j'ai eu l’occasion de pouvoir travailler avec eux à ce stade-là de leurs carrières.

VC : À quel point votre famille a-t-elle eu une influence sur votre carrière au volleyball ?

K. D. : De loin, ma famille a exercé la plus grande influence sur ma carrière au volleyball et je suis pas mal certaine que sans elle, je n'aurais jamais entrepris de carrière de joueuse ou d'entraîneure.

Ma mère, Mary, a joué au volleyball et elle a fait partie de l'équipe nationale de volleyball féminin quand j'étais plus jeune. Elle a fait connaître le volleyball et le volleyball de plage au reste de la famille, elle adorait ce sport et elle adorait faire de la compétition.

Mon père, Eli, était un excellent athlète et il est devenu un autodidacte du volleyball après avoir rencontré ma mère. Il aimait beaucoup jouer sur la plage. Il s'est par ailleurs beaucoup impliqué en dehors du court, en tant qu'entraîneur en volleyball et comme bénévole avec VC – alors appelée l’Association canadienne de volleyball – et aussi l'Association de volleyball de l'Ontario.

Mon frère, Ed, a commencé à jouer au volleyball dans un contexte de club bien avant moi. Nous avons tous les deux grandi en jouant au volleyball de plage avec nos parents et leurs amis, mais moi, je jouais seulement au volleyball à l'école. À chaque clinique à laquelle mes parents m'inscrivaient, j'abandonnais avant la fin la plupart du temps. Puis, quand j'étais en 10e ou en 11e année, mon frère m'a convaincue et m'a forcée à participer pour la première fois à un essai avec un club. J'ai été retenue et j'ai continué.

VC : Dans quelles circonstances avez-vous fait le passage au rôle d'entraîneure? Était-ce le genre de travail qui avait toujours piqué votre curiosité?

K. D. : C'était une combinaison de facteurs et, au bout du compte, c'est arrivé un peu par hasard. Je n'avais jamais songé à poursuivre une carrière d'entraîneure. J'adorais le volleyball et je travaillais comme formatrice à des cliniques et des camps, mais je n'ai jamais pensé que ça deviendrait quelque chose de si important que ça dans ma vie. J'ai eu plusieurs champs d'intérêt sur le plan professionnel au fil des ans et à l'université, j'ai étudié la sociologie et un peu la criminologie parce que je m'intéressais au droit, au travail social, des choses comme ça. Mais honnêtement, je n'en avais aucune idée.

J'ai quitté l'école pour m'entraîner à temps plein à Regina avec l'équipe nationale pendant quelques années. Nous n'avons pas réussi à nous qualifier pour les Jeux olympiques de Séoul et nous avons eu droit à un congé d'entraînement, alors j'ai fait un retour aux études afin d'obtenir mon diplôme. J'ai joué à l'Université de Toronto cette année-là et j'ai fini par subir une déchirure au ligament croisé antérieur.

Cet hiver-là, Sport Canada offrait un programme de mentorat à temps plein d'une durée de trois ans dans l'espoir de voir plus de femmes se lancer dans la profession d'entraîneure. Notre entraîneure à l'Université de Toronto n'allait pas revenir la saison suivante et ma directrice des sports m'a demandé si faire le métier d'entraîneure représentait quelque chose qui m'intéressait, en ajoutant que je serais bonne. Elle a aussi fait savoir que l'Université de Toronto allait soutenir ma candidature pour ce programme de mentorat et elle m'a invitée à m'inscrire. Alors je me suis dit, « Aussi bien m'y essayer pendant quelques années' ». J'ai présenté ma candidature et on m'a choisie. C'était il y a plus de 30 ans.

VC : Donc vous ne pensiez pas rester entraîneure pendant très longtemps… Qu'est-ce qui vous a convaincu de continuer ?

K. D. : Oui, je pensais m'y essayer pendant quatre ou cinq ans – j'entreprends maintenant ma 32e saison !

J'aime beaucoup aider des gens qui investissent beaucoup d'efforts pour grandir et apprendre. J'aime apprendre des gens avec qui je travaille – tout le monde est différent et tout le monde a quelque chose à m'enseigner. J'adore le défi et le processus qui consiste à trouver des façons d'amener un groupe de gens à travailler ensemble pour réussir quelque chose de plus grand qu'eux.

J'adore le fait que le volleyball et le sport de compétition soient comme un laboratoire de vie. Le volleyball nécessite un formidable travail d'équipe et les joueurs doivent se fier aux autres pour réussir. Le sport est une bonne manière d'en apprendre davantage sur soi-même, d'apprendre comment travailler ensemble pour tirer le meilleur de soi-même et des autres qui sont autour, d'apprendre à briller dans les moments où c'est facile comme dans ceux où c'est difficile, d'apprendre à se relever après une chute et comment dénicher les occasions qui se cachent dans les défis qui se présentent — comme dans la vie. Les conséquences de l'échec, dans le contexte du volleyball, c'est que le ballon se retrouve au sol. Le risque est minime quand on songe aux occasions de croissance que nous avons.

VC : Qui vous a soutenu durant votre parcours? Avez-vous des mentors?

K. D. : Il y a tellement de gens qui m'ont soutenue et qui continuent de le faire pendant mon cheminement comme entraîneure. La liste des personnes qui m'ont soutenue comprend tous les membres du personnel avec qui j'ai travaillé et avec qui je travaille actuellement, tous les athlètes avec qui j'ai été en mesure de travailler, etc. … La liste est très longue.

Il ne fait aucun doute que l'Université de Toronto, et tout particulièrement ses dirigeants qui m'ont encouragée à devenir entraîneure et qui ont couru le risque de m'embaucher, s'ils ne m'avaient pas encouragée à devenir entraîneure et n'avaient pas soutenu ma candidature pour le programme de mentorat, je ne suis pas certaine que je serais devenue entraîneure. Je suis par ailleurs très reconnaissante à l'endroit des dirigeants actuels et de mes collègues entraîneurs à l'Université de Toronto, qui continuent de me soutenir dans mes démarches jour après jour.

Le soutien le plus important et le plus durable est venu de Sandy Silver. C'est elle qui a été ma plus grande conseillère, guide, enseignante et mentore. Bien qu'elle soit décédée en 2019, elle exerce encore une forte influence sur moi tous les jours.

Je me considère très chanceuse d'avoir pu grandir à une époque où plusieurs femmes occupaient des postes d'entraîneurs dans toutes sortes de sports. À l'école secondaire, j’ai eu des femmes entraîneures au volleyball, au basketball et en athlétisme. J'ai eu la même entraîneure de volleyball pendant cinq ans à l'école secondaire, Halya Hilferink (Stefaniuk). Elle a eu une influence énorme sur moi et elle continue de me soutenir dans mon parcours d'entraîneure, près de 40 ans plus tard. Je me souviens de plusieurs femmes qui ont été entraîneure au volleyball à différents niveaux – des entraîneures comme Julia Andruchiw, Betty Baxter, Marge Holman, Sandy Silver, Cookie Leach, Pat Richards, Gail Blake, Mary Lyons, Therese Quigley, Sue Brown, Brenda Willis, Pat Davis et plusieurs autres. Elles ont contribué à influencer ma façon de voir le monde, un monde qui comprenait des femmes comme chefs de file et comme entraîneures.

Je suis tellement reconnaissante d'avoir eu le soutien et les conseils de l'ancien entraîneur-chef de l'équipe nationale, Lorne Sawula, qui continue de m'encourager et de montrer qu'il croit en moi, plus de 30 ans après avoir été mon entraîneur avec Équipe Canada. Je suis tellement reconnaissante d'avoir eu l'occasion d'être dirigée par Merv Mosher, et ensuite de l'avoir eu comme collègue entraîneur dans l’Association SUO quand j'ai commencé à l'Université de Toronto. Son soutien, ses conseils et sa sagesse ont eu une influence énorme sur moi et ma carrière d'entraîneure.

Keith Wasylik a lui aussi été un merveilleux soutien quand j'ai commencé à travailler comme entraîneure. Keith été mon entraîneur-mentor dans le cadre du PNCE à mes trois premières années comme entraîneure, et il m'a aussi aidée à voir le volleyball d'un œil d'entraîneure plutôt que d'un œil de joueuse, et donc à grandir comme entraîneure. Il m'a encouragée à m'impliquer au sein de l'équipe provinciale et c'est sa foi en mes aptitudes ainsi que son soutien que m'ont amenée à diriger Équipe Ontario pendant trois étés, notamment à l'occasion des Jeux d'été du Canada.

Évidemment, ma famille a soutenu mon implication dans le sport comme athlète et comme entraîneure, et mon père a été mon entraîneur adjoint à l'Université de Toronto de 1989 à 1996.

VC : En quoi le travail d'entraîneur est-il différent des responsabilités qu'ont les joueuses ?

K. D. : Je vois ça comme étant la différence entre se trouver au milieu d'un ouragan au lieu de simplement regarder l'ouragan se déplacer au loin. Quand je joue, je dois réagir immédiatement à ce qui arrive à chaque moment et quand je suis entraîneure, c'est comme regarder un ouragan progresser au fil du temps et de loin, pouvoir voir son parcours et ses tendances, pouvoir planifier, s'adapter et résoudre le problème qu'il pose à l'aide d'une tonne de renseignements.

VC : Quel a été le plus grand obstacle que vous avez dû surmonter durant votre carrière d'entraîneure et comment avez-vous fait pour y arriver ?

K. D. : Il y a bien des obstacles à surmonter quand on est entraîneure, ce qui en fait un métier très exigeant – les préjugés sexistes et les préjugés raciaux sont au sommet de ma liste. C'est tout un défi d'être confrontée à de telles problématiques parce que tu fais souvent face à tellement d'animosité quand le statu quo est remis en question, ce qui engendre une certaine résistance à apprendre et à changer. La plupart des discussions et des appels à l'action concernant ces problématiques n'ont pas été très viables et la situation n'a guère évolué en 30 ans. Ce qui complique les choses, c'est qu'il y a beaucoup d'hostilité quand le statu quo est remis en question. Je dirais que nous n'avons pas encore, que je n'ai pas encore franchi cet obstacle.

VC : Vous avez connu des succès remarquables au sein de l’Association SUO, comment avez-vous réussi à maintenir un tel niveau de succès au fil des ans, selon vous ?

K. D. : C'est difficile à dire avec certitude. Il y a de nombreux facteurs et c'est probablement attribuable à une combinaison de facteurs. Nous avons des gens formidables en place au niveau de l'encadrement et du personnel de soutien, les gens travaillent vraiment bien ensemble afin d'améliorer la performance d'un point de vue technique, stratégique, de la force physique, de la nutrition, de la performance mentale, de la thérapie, de la médecine sportive, etc. Les athlètes-étudiants qui sont passés par le programme ont toujours consenti à investir tellement d'énergie et d'efforts dans leur croissance individuelle et collective.

VC : De quoi êtes-vous la plus fière depuis le début de votre carrière d'entraîneure ?

K. D. : C'est formidable de voir les joueuses évoluer autant chaque année, sur le court et en dehors – au volleyball, dans leurs études et sur le plan personnel – et je sais que notre programme a eu une influence sur elles d'une quelconque façon. C'est incroyable de voir les gens réussir des choses au-delà de ce qu'elles ou d'autres croyaient possible. Il y en a tellement qui ont obtenu des emplois ou qui ont été admises dans des programmes d'études supérieures ou professionnels qui, à un moment donné, leur semblaient hors de portée. Il y a aussi les trois athlètes qui se sont qualifiées pour les Jeux olympiques, Elodie LI Yuk Lo (Île Maurice) et les Canadiennes Heather Bansley et Kristina May (Valjas).

VC : En plus des nombreux prix d'entraîneurs que vous avez remportés, vous avez remporté le Prix de la percée de Femmes et Sport Canada ainsi que le Prix de la percée Marion-Lay. Que signifient ces prix à vos yeux ?

K. D. : C'est bien de se faire reconnaître pour les contributions qu'on a faites à la communauté sportive. La réalité, c'est qu'il y a pas mal de monde qui travaille dans le but de faire du sport un monde meilleur, et ce ne sont pas tous qui ont la chance d'être reconnus avec des prix de ce genre.

VC : Qu'est-ce que vous auriez aimé recevoir – un conseil, une démonstration de soutien, un apprentissage — à vos débuts ?

K. D. : Je me sens privilégiée d'avoir eu beaucoup de soutien, de conseils et d'accès à différents apprentissages. Le système de formation des entraîneurs au Canada a soutenu mon entrée dans le milieu et il y avait un fonctionnement en place qui m'a permis d'évoluer – à l'aide d'engagements à long terme à un poste d'entraîneure ainsi que de l'accès à du mentorat et de la formation – et l'Université de Toronto s'est engagée pour plusieurs années à investir en moi en tant qu'entraîneure, alors que je n'avais jamais vraiment travaillé comme entraîneure auparavant.

VC : Avez-vous des conseils à donner aux nouvelles entraîneures ?

K. D. : C'est difficile de savoir ce qui pourrait être utile de partager aux nouvelles entraîneures. Voici des choses qui sont importantes à mes yeux et elles ne sont pas par ordre d'importance :

1. Ne pratiquez jamais le métier d'entraîneure seule – trouvez toujours quelqu'un avec qui le faire, quelqu'un en qui vous avez confiance.

2. Bâtissez-vous un réseau de gens qui soutiendront votre parcours d'entraîneure. Ces personnes peuvent être du milieu du volleyball et/ou du sport, ou de l'extérieur du milieu. Elles peuvent vous soutenir en agissant comme caisse de résonance qui vous écoutera sans jugement, elles peuvent offrir des conseils, elles peuvent vous aider à mieux analyser ce que vous vivez, elles peuvent vous mettre sereinement au défi de mieux faire, elles peuvent aider à mettre les choses et perspective et bien plus.

3. Assurez-vous que les personnes que vous choisissez de garder près de vous – votre partenaire et/ou vos amis proches – croient en vous et vous soutiennent, ainsi que vos efforts comme entraîneure. 

4. Indiquez clairement qui vous êtes et ce qui est important à vos yeux. C'est difficile d'inspirer les autres et de les diriger sans ça.

5. Soyez curieuse et disposée à apprendre.

 

Entrevue réalisée par Josh Bell

Photo: Seyran Mammadov