12 févr. Général
Profil d'entraîneur: Dave Preston
« C'est plus important de comprendre l'athlète et comment il apprend que ça l'est pour lui de comprendre ce que tu as comme connaissances. »
Depuis près de deux décennies, Dave Preston est le visage de l'équipe de volleyball masculin des Marauders de McMaster.
Quoiqu'il est tout aussi vrai qu'il ne soit pas le seul à se retrouver sous les feux de la rampe, lui qui rappelle sans cesse que ses joueurs et les autres entraîneurs qui l'épaulent sont des partenaires à parts égales dans les succès de l'équipe.
Il est depuis longtemps le chef de file de la plus grande dynastie dans l'histoire de SUO, lui qui a remporté six titres d'association d'affilée (2013-2018) et neuf championnats SUO, et a participé à 12 Championnats U SPORTS. Il a décroché deux médailles d'argent et quatre de bronze à cette compétition. Il a mis la main sur ces médailles au cours des années 2013 à 2018. Il a été nommé entraîneur de l'année de SUO et de SIC en 2008, 2010 et 2015, ainsi qu'entraîneur de l'année dans l'association Ouest de SUO en 2017 et 2018.
Cet Ontarien originaire de Chatham est aussi l'entraîneur de l'équipe canadienne masculine U21, un poste qu'il détient depuis 2012. Il a raflé une médaille d'argent aux Championnats de la NORCECA. Il a par ailleurs été entraîneur adjoint avec Équipe Canada de 1999 et 2004, ce qui lui a permis d'obtenir le bronze aux Jeux panaméricains de 1999. Cette équipe-là a été intronisée au Temple de la renommée de Volleyball Canada en 2000.
Volleyball Canada a récemment eu l'occasion de s'entretenir avec Preston au sujet de sa carrière d'entraîneur et de sa vision du métier d'entraîneur dans le cadre de notre sport.
Volleyball Canada : Comment s'est passé ton passage à la profession d'entraîneur?
Dave Preston : Je ne pense pas l’avoir fait de façon consciente. Étant donné mon statut et la façon dont le sport évoluait, je savais que jouer n'allait pas représenter une option viable. C'est vrai que j'ai joué au niveau universitaire, mais après ça – eh bien, j'ai joué brièvement à l'université. Je voyais bien que mes jours allaient être comptés et j'aime vraiment ce sport. Je voulais redonner et rester impliqué. J'étais encore un étudiant à l'université à l'époque et travailler comme entraîneur semblait être la voie logique à suivre. Heureusement, j'étais entouré d'excellents mentors et de gens que j'admirais vraiment. Pas en tant qu'entraîneurs, mais comme personnes. C'étaient des êtres humains remarquables et je voulais suivre cette voie. Le travail d'entraîneur m'a permis de suivre cette voie.
VC : Qui t'a soutenu dans ton parcours ? As-tu des mentors ?
DP : J'ai en ai eu plusieurs quand j'étais plus jeune. Mes premiers entraîneurs à l'école secondaire, Mary-Jane Kiaraga et Pat Whelihan. Ensuite, la personne qui a eu la plus grande influence sur ma carrière au volleyball a été Vaughn Peckham. Lui et moi, nous avons lancé le Club de volleyball Forest City ensemble avec quelques autres personnes. Vaughn a tout simplement été un excellent modèle pour moi, c'était un homme vraiment solide et positif. Quand j'ai fini de jouer à Western, il m'a avancé l'offre et il a dit que si je revenais à l'école secondaire où j'avais joué, j'allais pouvoir prendre en main le programme des joueurs finissants et il allait pouvoir s'occuper du programme des plus jeunes, et nous pourrions alors voir si nous allions pouvoir réussir quelque chose de spécial. Trois ans plus tard, nous avons remporté un Championnat de la FASSO. C'était plutôt bien. Hernan Humana, qui était directeur technique à l'Association de volleyball de l'Ontario à l'époque, le père de Melissa (Humana-Paredes) était vraiment bon pour s'occuper des différentes formalités, des niveaux d'entraîneur et toutes ces choses-là. À ce moment-là, j'étais encore étudiant à l'université. Ensuite, l'occasion de rejoindre les rangs de l'équipe nationale s'est présentée grâce à Garth Pischke. Quand je faisais partie d'Équipe Ontario aux Jeux du Canada au Manitoba en 1997, Garth m'a demandé de faire partie d'Équipe Canada. Le fait d'être entraîneur adjoint à cet âge-là a transformé ma vie – j'avais seulement 30 ans à l'époque. C'était l'expérience d'une vie. Le nombre de gens que j'ai croisés au fil de ma carrière, nous pourrions en parler pendant des heures et des heures. Si je dois me limiter à trois personnes, ce serait Vaughn, Hernan et Garth.
VC : Quel a été le plus grand obstacle que tu aies eu à franchir au cours de ta carrière d'entraîneur et comment as-tu fait pour y arriver ?
DP : À mes débuts comme entraîneur, occuper ce poste à temps plein à l'université, ça n'existait pas en Ontario. Si tu travaillais dans une université, tu étais soit un enseignant ou tu travaillais dans le secteur des loisirs, ou bien tu avais des tâches supplémentaires. Il y avait des entraîneurs dans l'Ouest qui, je crois, avaient des contrats qui leur permettaient de gagner leur vie à temps plein, mais reste qu'ils enseignaient en classe. Cependant, un poste d'entraîneur à temps plein en bonne et due forme au Canada, quand j'étais jeune, ça n'existait pas. C'est comme si je vous disais que j'allais travailler pour Google. Google n'existait pas à l'époque. Ce n'était même pas un scénario envisageable. Les choses ont éventuellement commencé à progresser, des gens ont commencé à chercher comment on pouvait gagner sa vie comme ça, comment on pourrait en faire une carrière à part entière au lieu d'une simple passion qui t'occupe à temps partiel. Je pense que j'ai été parmi ceux-là. Il y a aussi Therese Quigley, qui était la directrice des sports à McMaster en 2002 quand j'ai été embauché, qui m'a offert cette occasion à temps plein. Je serai toujours reconnaissant à son endroit pour tout ce qu'elle a fait. Tu as parlé des mentors que j'ai eus comme entraîneur, elle a été une mentore dans son rôle d'administratrice. Je n'ai jamais joué pour elle, je sais qu'elle a été entraîneure auparavant, mais à mes yeux c'est un ange. C'est un peu comme ça que je suis passé au travers. Elle a vu que j'avais une vision et elle m'a donné une occasion à McMaster.
VC : Tu as dirigé la plus grande dynastie dans l'histoire de SUO, alors que tu as remporté six titres d'association d'affilée, neuf championnats de SUO, six médailles aux championnats nationaux, en plus de tous les honneurs que tu as reçus et que tes joueurs ont reçus. Comment fais-tu pour connaître des succès aussi soutenus dans le cadre des activités de ton programme ?
DP : D'abord et avant tout, je dois dire que toutes ces choses-là témoignent du travail qu'ont fait les gens qui ont joué et les entraîneurs qui étaient avec moi. Le volleyball est un sport d'équipe. J'ai été très, très chanceux d'avoir eu à mes côtés des gens vraiment formidables avec qui travailler. J'ai pu travailler avec d'excellents athlètes-étudiants et d'excellents entraîneurs en cours de route, des gens qui croyaient aux mêmes choses que moi et qui avaient la même approche du jeu. Je dirais que ma philosophie à cet égard, c'est que si tu vas chercher les bonnes personnes et que tu les places aux bons postes, et que tu crées un milieu qui leur permettra d'avoir du succès, il y a de belles choses qui vont se passer. Ce n'est pas un secret. Tu vas chercher les bonnes personnes et tu les mets aux bonnes places. Au fil du temps, McMaster a toujours donné beaucoup de soutien au programme de volleyball masculin depuis que je suis là. Ils ont vraiment été capables d'offrir des possibilités aux athlètes-étudiants. Mon travail consiste donc à aller chercher les bonnes personnes, qui cadreront bien dans ce milieu-là. J'ai eu le privilège de pouvoir compter sur de formidables athlètes-étudiants, de formidables jeunes hommes au fil des ans, et des gens remarquables au sein du personnel d'encadrement en cours de route. La clé du succès, à défaut d'avoir une meilleure manière de le décrire, se résume aux gens avec qui j'ai eu la chance de travailler.
VC : Tu as aussi dirigé l'équipe canadienne U21 et tu as été entraîneur adjoint avec Équipe Canada. Comment ça s'est passé au sein des programmes nationaux ?
DP : C’était incroyable. Je serai reconnaissant à jamais pour ces occasions-là. Je me souviens encore de la première fois où j'ai eu l'unifolié sur la poitrine et que j'ai entendu l'hymne national. La poussée d'émotions que j'ai ressentie en représentant ainsi mon pays... J'ai un tatouage à thématique canadienne sur moi, une feuille d'érable. C'était une sensation incomparable. C'était une grande responsabilité, que j'ai prise très, très au sérieux. Je voulais rendre justice à ce programme. Je voulais travailler le plus fort possible pour mettre ces athlètes dans une position où ils allaient pouvoir vivre leur rêve olympique. Nous n'y sommes pas arrivés à ce moment-là. Aussi formidable que ce fut, aussi formidable l'expérience a-t-elle été, je ne suis toujours pas certain si j'en suis satisfait. J'étais très, très content et très, très reconnaissant, mais nous sommes tombés à court à quelques occasions. J'ai des sentiments partagés à cet égard parce que je sais à quel point les joueurs ont investi dans ce programme-là – l'équipe senior – et à quel point c'était important pour eux de vivre leur rêve olympique. J'ai travaillé sans relâche pour essayer de faire en sorte que ce rêve devienne une réalité et, malheureusement, nous n'y sommes pas arrivés. Il y a encore un petit manquement à mes yeux à ce titre. Avec l'équipe junior, diriger au niveau de la FISU l'an dernier au tournoi U19 de la FISU a été incroyable. Là aussi, c’est formidable de travailler avec des athlètes-étudiants et des entraîneurs remarquables d'un peu partout au pays. S'il y a quelque chose que je vais retenir de ce merveilleux sport, ce sont les gens formidables avec qui j'ai eu l'occasion de travailler.
VC : As-tu d'autres intérêts à l'extérieur du volleyball et du travail d'entraîneur et, si c'est le cas, comment arrives-tu à trouver le bon équilibre entre ces intérêts et le volleyball ?
DP : En dehors du volleyball, ma priorité c'est ma famille. J'ai deux adolescentes et une épouse très compréhensive qui sait que ceci n'est pas une carrière, c'est une passion. Tu ne laisses pas toujours tout ça au bureau. Heureusement, ma famille a pu s'intégrer dans les activités des équipes que j'ai dirigées. Elle m'a donné un soutien formidable pour que je puisse vivre ma passion. Toutefois, quand j'ai l'occasion de m'éloigner du court, ma priorité c'est de retrouver ou de m'impliquer auprès de ma famille. Après, le golf a été un bon exutoire pour moi, c'est un sport que je suis en mesure de pratiquer. C'est un sport que je vais pouvoir pratiquer pour le reste de ma vie. Pas très bien, je dirais, mais je peux quand même jouer. Tout récemment, j'ai commencé à aller à la pêche. Ça me permet de me détendre et les gars avec qui je vais à la pêche m'aident à me changer les idées.
VC : J'ai lu un article sur toi intitulé « La famille, puis le volleyball, dans cet ordre, pour l'entraîneur de McMaster Preston ». Dans l'article, on mentionne que la première règle quand tu recrutes, c'est de recruter la personne avant tout, plutôt que le joueur. Peux-tu expliquer pourquoi c'est à ce point important ?
DP : Les traits de caractère d'une personne sont la clé de toutes les formes de succès, peu importe dans quelle sphère d'activité tu es. Si vous avez les bonnes personnalités, vous pouvez leur enseigner certaines compétences. Le volleyball est quelque chose qu'on peut enseigner. L'intégrité, l'honnêteté et le respect – ce sont là des caractéristiques qui doivent être présentes pour connaître le succès. Quand je fais mes devoirs sur des athlètes-étudiants potentiels, pour ce programme ou d'autres, j'aime beaucoup les gars sur qui tu vas pouvoir compter parce qu'ils ont des traits de caractère qui sont solides. Si nous nous retrouvons dans une situation où tout va se décider sur les quelques derniers points d'un match, et que le niveau d'exécution doit absolument être au rendez-vous, je veux pouvoir avoir confiance que le jeune homme le sait et qu'il est capable de bien réagir. Si tu prends soin de bien encadrer la personne, le jeu sur le terrain va suivre. Les athlètes que nous dirigeons sont motivés, ils savent se gérer, ils font preuve de discipline. Ils sont comme ça. Si tu vas chercher les bonnes personnes avec les bons traits de caractère, le reste va suivre plus facilement. D'une façon ou d'une autre, il y a quand même du travail à faire. Ou bien tu fais ton travail au départ – tu vas chercher les bonnes personnes et tu les mets dans les bons postes – ou tu travailles ensuite, à savoir que tu essaies de changer la façon qu'a une personne de voir les choses. Ces choses-là sont plus difficiles à enseigner.
Une des choses que j'aime faire dans les tournois, surtout aux endroits où on retrouve plusieurs courts, c'est de me placer deux ou trois courts plus loin pour qu'un joueur que j'observe ne sache pas que je suis là. Je le regarde de loin pour voir comment il interagit avec ses entraîneurs, avec ses coéquipiers, avec ses parents, avec les officiels, dans les bons moments comme les mauvais. Parfois tu es sur un court, les joueurs savent que tu les regardes alors ils présentent leur meilleur visage, tu n'obtiendras peut-être pas les réponses à ce que tu cherches à savoir.
VC : Quel aspect de ta carrière d'entraîneur te rend le plus fier ?
DP : Je suis fier de pas mal de choses que j'ai été en mesure de réaliser. Je pense que ce qui me rend le plus fier, ce sont les liens que j'ai tissés avec les gens avec qui j'ai travaillé. Les athlètes que j'ai dirigés il y a 20 ans, avec qui je suis encore en contact. Ces gars continuent de venir chez moi pour un barbecue ou pour prendre un verre. J'ai commencé quand j'étais très jeune, alors certains d'entre eux ne sont pas tellement plus jeunes que moi. Je pense que ce qui me rend le plus fier, ce sont les rapports que j'ai avec les joueurs et les entraîneurs avec qui j'ai travaillé et que j'ai affrontés au fil des ans. Ces liens, c'est ce qui me rend le plus fier, je dirais.
VC : Quel est ton but ultime en tant qu'entraîneur ?
DP : La médaille d'or olympique, ce serait mon but ultime. Il y a quelques étapes à franchir avant d'y arriver. Je n'ai toujours pas de titre national et je pense que nous avons été en position d'y aspirer à quelques reprises, sans toutefois y arriver. Ce serait donc là un objectif à court terme, tandis que l'or olympique serait un objectif à moyen terme. Ce sont deux choses qui ressortent dans le cadre de mon travail d'entraîneur.
VC : Aurais-tu des conseils à donner aux nouveaux entraîneurs ?
DP : Si je pouvais écrire une lettre à la version plus jeune de moi-même, je pourrais résumer ça ainsi : C'est plus important de comprendre l'athlète et comment il apprend que ça l'est pour lui de comprendre ce que tu as comme connaissances. Je pense que quand j'étais plus jeune, et que je regarde la situation avec le recul, je tenais tellement à m'assurer que les gens voient tout ce que je pensais connaître sur le volleyball. Pour une raison quelconque, je pensais que c'était une manière de valider le fait que j'aie obtenu mes postes à l'université et au sein du programme national à un jeune âge. Je pense que ça, ça me préoccupait davantage que de chercher à savoir ce qu'un joueur avait besoin de savoir pour s'améliorer. Maintenant, je consacre tout mon temps à ça. Je consulte ma formation en me disant quasi quotidiennement, 'Qu'est-ce que je peux faire pour aider ce jeune homme ? Comment puis-je aider cette personne à devenir meilleure physiquement, techniquement, tactiquement ou mentalement ?'
VC : Quel conseil, manifestation de soutien ou enseignement, etc., aurais-tu souhaité avoir à tes débuts ?
DP : J'ai eu de la chance. J'ai eu accès à certains des meilleurs entraîneurs au monde, j'ai pu les écouter, les regarder. J'ai eu d'excellents joueurs qui me faisaient confiance, j'ai eu une famille et des amis avec qui je pouvais partager ce que je vivais. Toutes ces choses-là ont été importantes. S'il y a quelque chose que j'aurais souhaité avoir, je dirais peut-être un peu plus l'humilité d'accepter certains des moments de succès et, peut-être, d'avoir eu un peu plus de jugement quand j'étais plus jeune. La capacité de mieux comprendre ce qu'est la passion et la perfection. Je pense que ça m'aurait aidé. Cependant, j'ai appris avec le temps, je pense que c'est ça la maturité. Je pense qu'à l'époque, si j'avais mieux compris le sens de 'contrôler ce que tu peux contrôler...' Pour être bien honnête, j'ai été tellement chanceux d'avoir été entouré de personnes formidables dans des milieux formidables. Je suis vraiment touché d'avoir eu toutes ces personnes autour de moi, de qui j'ai pu apprendre.