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Profile d'entraîneur: Adriana Bento

« Ce qui est le plus important c’est de se faire confiance, persévérer, et de ne pas avoir peur de s’exprimer.»

Qu'il s'agisse de représenter le Brésil sur la scène mondiale ou d'entraîner des équipes nationales canadiennes, il est évident qu'Adriana Bento s’y connaît en volleyball de plage.

Après être née et avoir grandi au Brésil, Bento s'est hissée au sommet mondial du volleyball de plage, en compilant 20 classements parmi les 10 meilleures, six parmi les cinq meilleurs et une médaille d’or aux tournois de la FIVB. Elle a été trois fois championne d'Amérique du Sud, en plus d’être régulièrement classée parmi les six meilleures joueuses du Brésil. Elle a terminé cinquième aux Jeux panaméricains de 1999 à Winnipeg.

S'installant au Canada en 2010, Bento s'est tournée vers le travail d’entraîneure. Elle a commencé comme adjointe avec l’Université de Toronto et est devenue adjointe de l’équipe nationale de volleyball de plage et entraîneure-chef de l’équipe de prochaine génération (NextGen). Elle est aussi l'entraîneure-chef du programme de volleyball en salle au collège Centennial. Commençant comme entraîneure de l’équipe féminine, elle s’est aussi vue confier les rênes de l’équipe masculine en 2019.

Volleyball Canada a récemment eu l’occasion de s’entretenir avec Bento sur sa carrière d'entraîneure et sa perception générale du rôle d’entraîneure dans le sport.

Volleyball Canada : Commençons par ta carrière de joueuse, tu possèdes un parcours plutôt relevé, incluant 20 classements parmi les 20 meilleures, notamment six parmi les cinq meilleures et une médaille d’or aux tournois de la FIVB. Avec le recul, quelle a été la recette pour connaître ces succès?

Adriana Bento : Au Brésil, tout le monde s'attend à ce que vous obteniez des résultats et les attentes étaient toujours élevées. Le niveau du circuit national au Brésil a contribué à me préparer pour les compétitions internationales et les tournois de la FIVB. Il y a toujours une autre équipe qui vous met au défi d’avancer, car si vous n’avancez pas, quelqu'un prendra votre place.

VC : De quoi es-tu le plus fière de ton parcours de joueuse?

A.B. : Le sport m'a donné des occasions dans la vie que je n'aurais jamais pensé pouvoir réaliser. Je suis fière d’avoir tenté ma chance dans tout ce que j'ai entrepris. J'ai quitté la maison pour jouer au volleyball à l'âge de 16 ans. Je ne suis jamais retournée vivre avec mes parents parce que le volleyball était mon travail à plein temps jusqu'à mes 36 ans. Je suis très contente de tout ce que j'ai réalisé dans le sport.

VC : Comment êtes-vous passé au coaching? Est-ce une idée à laquelle vous aviez toujours songé?

A.B. : Je n'ai jamais pensé devenir entraîneure de volleyball. Après ma retraite, mon objectif était de devenir une mère à temps plein et de m'occuper de mes deux enfants. J'ai déménagé au Canada en 2010 pour suivre mon mari qui avait été transféré pour travailler à Toronto. Ma carrière d'entraîneure a commencé au Canada sans parler couramment l'anglais et c'était extrêmement difficile. Kristine Drakich m'a donné mon premier emploi en tant qu'entraîneure adjointe avec l'Université de Toronto. J'ai commencé à entraîner en volleyball de plage avec une joueuse spéciale, Rebecca Moskowitz, pour qui j'ai beaucoup de respect. J'ai beaucoup aimé travailler avec elle et maintenant elle est une avocate et une mère incroyable.

VC : Qui t’a soutenu dans ton cheminement? As-tu des mentors?

A.B. : Kristine Drakich - elle est mon amie, ma mentore et la personne en qui j'ai confiance. Elle était avec moi pour les bons et les mauvais jours. Elle sait toujours comment faire en sorte que les gens se sentent mieux. Elle est mon inspiration et une excellente mentore.

Ish Joseph, mon ami entraîneur qui inspire les jeunes athlètes avec sa sagesse. Il dirige mes deux enfants et les inspire toujours autant que le premier jour. Il a été un excellent mentor pour moi et ma famille.

VC : Comment ton parcours de joueuse influe-t-il sur ton parcours d’entraîneure?

A.B. : Quand j'ai fait mes débuts comme entraîneure, c'est mon expérience de jeu qui m'a vraiment le plus aidé. Cependant, j'ai réalisé que la responsabilité d’entraîneure n’est pas seulement liée au passé comme joueuse. Quand je suis arrivée au Canada, j'ai découvert que les athlètes de haut niveau doivent travailler pour pratiquer leur sport. Au Brésil, jouer au volleyball était mon travail à temps plein. C’est une réalité entièrement différente.

VC : Quel a été le plus grand obstacle pour toi dans ta carrière d'entraîneure et comment l'as-tu surmonté?

A.B. : Déménager au Canada avec ma famille a été un grand défi. Vous n'êtes personne à votre arrivée, peu importe si vous avez réussi dans votre pays en tant que joueuse. Se concentrer sur le bonheur de ma famille était plus important pour moi dans le processus.

VC : Arrivée au Canada en 2010, vous avez entraîné en salle et sur la plage, vous êtes l'entraîneure-chef de l’équipe masculine au collège Centennial, vous avez entraîné l'équipe féminine de l'Université de Toronto. On peut dire que vous avez vu une partie importante de la communauté du volleyball. En tant que femme et personne qui a immigré au Canada, comment avez-vous vu le paysage du volleyball grandir ou changer au cours de la dernière décennie de ton point de vue d'entraîneure en ce qui concerne l'inclusion et la diversité, ou a-t-il réellement changé?

A.B. : Le volleyball canadien a beaucoup évolué au cours des 10 dernières années surtout en ce qui a trait aux athlètes et au professionnalisme des entraîneurs des équipes de club en salle.

Quand vous parlez d’inclusion et de diversité, entraîner l’équipe masculine de volleyball était formidable pour moi, mais en même temps c’était un défi. À mon premier match de la saison, les entraîneurs d’une équipe adverse et les arbitres pensaient que mon entraîneur adjoint était l'entraîneur-chef simplement parce qu'il était un homme. J'ai décidé de prendre la situation de bonne foi. Personnellement, cela ne m’a pas affecté, mais je sais que ça se manifestera à plusieurs reprises encore, d’autant plus qu’il y a de plus en plus d’entraîneures qui font leur arrivée sur le circuit.

VC : Te souviens-tu de la façon comment tu as géré la situation à l'époque et aurais-tu des conseils pour d'autres femmes qui rencontrent des circonstances semblables?

A.B. : Je savais que cela pouvait se produire la première fois. Je n’ai jamais vu de femme diriger du volleyball masculin au Canada, au Brésil, ni nulle part ailleurs. Peu importe si mon nom figure sur le site Web ou que je me tiens près du banc. Je fais un peu de recherche sur tous les entraîneurs contre lesquels je joue pour savoir qui ils sont, d’où ils viennent, quelle est leur histoire. Eux ne se souciaient pas de regarder contre qui ils jouaient ou qui était l'entraîneur. Ce n’est pas seulement une question d’entraîneurs. C'était aussi un fait chez les arbitres. Chaque fois ils s’adressent d’abord à mon entraîneur adjoint. Quand ils viennent me voir, ils disent toujours quelque chose du genre: « Oh! Vous entraînez des hommes?! » C'est toujours une sorte de question: « comment diable faites-vous cela?»

Ma façon de gérer ces situations est de simplement l’ignorer. Ce n’est pas ma façon de penser. L'ignorer, c'est montrer que vous n'y pensez pas - ce n'est pas honnête. J'aime la dynamique d'entraîner des hommes, j'aime diriger au volleyball et ce que les autres pensent de moi parce que je suis une femme ne devrait pas m’affecter. Il s’agit en fait de personnes qui se demandent si vous êtes qualifiée comme entraîneure ou non. Si vous êtes là, c'est parce que vous l’êtes. Ce n’est pas une question. Personne ne vous embauchera si vous n’êtes pas qualifiée pour ce rôle.

VC : Qu'est-ce que la communauté du volleyball pourrait faire afin d’attirer les femmes et les nouveaux Canadiens de tous les niveaux, et plus particulièrement au niveau collégial / universitaire?

A.B. : Je suis sûre que de nombreuses entraîneures commencent à se concentrer sur leur formation pour trouver de meilleures occasions. Les femmes devraient avoir plus d’occasions d’acquérir de l’expérience en tant qu’entraîneures dans le sport masculin et féminin, et plus d’occasions de passer d’un poste d’entraîneure adjointe à un poste d’entraîneure-chef.

VC : Je sais que tes deux enfants jouent aussi au volleyball, et il semble que votre fils soit une future étoile. Quels conseils leur donnes-tu alors qu’ils progressent dans un parcours similaire au tien?

A.B. : J'ai toujours dit à mes enfants de suivre leurs rêves. Nous n’avions pas d'attente par rapport au fait qu’ils adoptent mon sport ou celui de mon mari. Mon mari était un nageur professionnel au Brésil. Ma fille a joué deux ans au basketball avant de commencer le volleyball et mon fils a joué deux ans au soccer avant de passer au volleyball.

Je leur rappelle toujours de faire de leur mieux dans tout ce qu'ils décident d’entreprendre, avec respect et intégrité. Je ne savais pas si le volleyball était leur voie. Je leur ai demandé pendant de nombreuses années s'ils voulaient encore jouer, jusqu'au jour où ils m'ont dit d'arrêter de demander. Cette fois, j'ai su qu'ils voulaient s’investir dans le volleyball à long terme. Peu importe votre talent dans votre sport, il y aura toujours beaucoup de défis qui mettront à l'épreuve votre persévérance et votre dévouement à continuer à progresser pour atteindre vos rêves. Rien ne sera facile, et vous ne pouvez pas abandonner parce que c’est difficile.

VC: As-tu des intérêts particuliers en dehors du volleyball et du rôle d’entraîneure et si oui, comment trouves-tu l'équilibre entre cet intérêt et le volleyball?

A.B. : J'aime cuisiner quand le temps me le permet. Je m'efforce toujours de comprendre la saveur des aliments. J'aime le temps que je passe avec ma fille à découvrir de nouvelles recettes.

J'aime aussi peindre, mais avec mes emplois actuels, il est difficile de trouver le temps de s'asseoir et de travailler sur une toile. J'ai commencé à m’y remettre un peu pour me détendre après une longue journée ou une longue semaine de travail comme entraîneur.

VC : De quoi es-tu le plus fière de ton parcours d'entraîneure?

A.B. : Je suis fière d'être passionnée et ouverte à apprendre. J'ai une énergie positive et j'aborderai toutes les situations en regardant droit devant. Je suis intègre et c'est très important pour moi.

VC : As-tu des conseils pour les nouveaux entraîneurs?

A.B.:  Si vous croyez tout connaître, bien détrompez-vous. Si vous souhaitez progresser dans votre carrière d'entraîneur, commencez aussi à apprendre de différentes cultures. Ayez l'esprit ouvert, essayez de nouvelles choses. Donnez-vous la possibilité de poser de nombreuses questions. Trouvez un(e) mentor(e), mais assurez-vous d'avoir quelqu'un qui vous inspire et vous aide à grandir. Le plus important c’est de se faire confiance, persévérer, et de ne pas avoir peur de s’exprimer

VC : Qu'aimeriez-vous avoir eu - conseils, soutien, éducation, etc. - quand vous avez commencé?

A.B. : J’aurais aimé faire mes débuts en tant qu’entraîneure au Brésil avant de venir au Canada. Commencer à entraîner dans un nouveau pays avec une langue différente était un défi.

Interview par : Josh Bell

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