Volleyball Canada

Actualités

Comment le volleyball bâtit des ponts pour la communauté musulmane à Winnipeg

En vedette dans la communauté : Le troisième d'une série d’articles mettant en lumière les communautés qui bénéficient de subventions du Programme de soutien au sport pour tous en volleyball. L'initiative Le sport communautaire pour tous, qui fait partie du Programme de soutien au sport, vise à éliminer les obstacles et à augmenter le taux de participation au sport des groupes sous-représentés.

De jeunes filles musulmanes, plusieurs d’entre elles étant de nouvelles arrivantes au Canada et pour qui le volleyball est aussi une nouveauté, ne peuvent cesser de sourire alors qu’elles apprennent comment frapper le ballon par-dessus le filet dans le gymnase de la grande mosquée de Winnipeg.

On retrouve toutefois le plus grand sourire au visage d’Alia Harb, une des neuf entraîneures spécialement formées pour diriger ce nouveau programme de volleyball sans inscription.

« J’étais vraiment motivée quand je suis sortie de ma formation de coaching. Je suis super emballée, pas seulement de pratiquer ce sport, mais d’avoir une direction connue vers où nous voulons aller avec ça », dit Harb.

Harb, qui est née au Canada, a joué au volleyball à l’école secondaire et dirigeait un programme moins structuré ici à la mosquée pour une poignée de jeunes qui, comme elle, aiment le sport. Toutefois ce programme est tombé à l’eau en raison de la COVID.

« Quand Carolyn (de la Winnipeg Newcomer Sport Academy) m’a d’abord présenté l’idée de faire un partenariat avec Volleyball Manitoba, j’étais emballée, a dit Harb, qui offre maintenant un des plus gros programmes de volleyball de l’histoire de la mosquée.

« C’est un sport très agréable et la plupart des filles et des femmes aiment le pratiquer parce que ce n’est pas aussi agressif que d’autres sports de contacts et que c’est très amusant. »

Harb admet toutefois qu’il y a un gros obstacle qu’elle a dû surmonter pour que ce programme ait du succès parce que pour quelques nouvelles arrivantes de pays musulmans, il n’y a pas beaucoup de filles et de femmes qui font du sport.

Une de mes grandes passions, particulièrement pour les jeunes femmes musulmanes, est d’émanciper leur identité et leur faire savoir qu’elles peuvent être qui elles veulent et non la notion prescrite de ce que la société croit que nous sommes.

Alia Harb

Harb dit que le programme de volleyball offre plusieurs avantages aux femmes, les aidant notamment à socialiser et se faire des amies, et que c’est aussi bon pour leur santé physique et mentale. 

« En venant à la mosquée, elles peuvent voir de grandes sœurs comme moi qui ont grandi ici et je peux partager mon expérience avec elles. Ça leur donne un endroit où elles peuvent se sentir à l’aise, poser des questions et s’emballer au sujet du sport. »

Elle reçoit de nombreuses questions de la part des parents et elle peut les rassurer sur-le-champ.

« Je suis une fière musulmane pratiquante qui a un style de vie sain (avec le sport) et je peux vraiment connecter avec quelques-uns des parents, avec leurs espoirs et les raisons pour lesquelles ils sont venus au Canada pour offrir la possibilité à leurs jeunes filles d’être différentes dans la société. »

Quelques parents veulent savoir comment les normes culturelles musulmanes seront respectées.

« On leur dit que le gymnase est très privé. Il est à notre usage exclusif.  On peut toujours porter le hijab.  Il n’y a pas d’hommes sur place. En gros, c’est un club pour jeunes filles. »

La grande mosquée accueille aussi des garçons d’une école secondaire musulmane qui peuvent y faire un saut un autre soir tout au long de l’été, qui sont entraînés par des hommes.

Il s’agit d’une des 30 différentes initiatives mises en place par le sport communautaire et des organismes d'établissement à travers le pays par Volleyball Canada après avoir reçu 425 000 $ de Sport Canada cette année. Cela fait partie de l’initiative « Le sport communautaire pour tous » de Sport Canada, visant à offrir des occasions sportives pour des groupes méritant l’équité.

Le programme de volleyball est l’idée de Carolyn Trono, fondatrice de la Winnipeg Newcomer Sport Academy.

Trono a fait de la compétition en aviron comme barreuse aux Jeux olympiques 1984 à Los Angeles et a travaillé dans diverses fonctions dans le réseau des sports canadiens depuis.

La Winnipeg Newcomers Sport Academy a vu le jour en 2019 alors que Trono trouvait que le principal réseau sportif ne faisait pas du bon boulot pour atteindre les nouveaux arrivants qui ont immigré au Canada au cours des cinq années précédentes.

« J’ai travaillé dans le réseau sportif pendant plus de 30 ans et je pense qu’on suppose que tout le monde connait les sports populaires et comment accéder à leurs programmes. Toutefois, ce n’est pas le cas. Les gens ne savent pas où aller et où trouver ces environnements accueillants », mentionne Trono.

Trono ajoute que même pour quelques nouveaux arrivants qui savent où aller, ça peut être très intimidant pour eux de se joindre à des activités populaires à l’extérieur de leur environnement, avec tous les autres défis qu’ils doivent affronter dans leur vie quand on doit se réinstaller.

« Ce que signifie cette subvention, c’est qu’on peut avoir un environnement de volleyball de qualité à des endroits où les gens se sentent à l’aise de participer, où ils se sentent déjà les bienvenus. Alors ils peuvent apprendre et ils n’ont pas à naviguer à travers le système qui leur est plutôt étranger », affirme Trono.

Son organisme a fait appel à Volleyball Manitoba et, avec l’aide financière de la subvention de Sport Canada Volleyball Manitoba, a offert des conseils sur le bon format de ballons pour les différents groupes d’âge, les filets et le capitonnage. Volleyball Manitoba a aussi offert des séances de coaching pour s’assurer que le programme puisse continuer au-delà de cet été.

Trono dit que l’objectif d’un programme comme celui-ci est d’offrir aux enfants nouveaux arrivants un programme sportif accessible financièrement et de qualité qui les aide à s’intégrer dans leur nouvelle communauté.

Harb, dont le mari est arrivé au Canada de la Syrie il y a 24 ans, a été témoin de première ligne du fonctionnement. 

« Selon ma propre expérience, de voir mon mari passer à travers ça, je pense que le sport lui a offert une communauté qui lui a vraiment donné un sens d’appartenance, ce qui est particulièrement important pour les nouveaux arrivants », indique Harb.

Une des principales choses que veut la Newcomer Sport Academy, c’est de retirer les obstacles qui s’élèvent des structures rigides, des règles et règlements que le sport a mis en place. Par exemple, Trono avait une jeune musulmane dans un de ses programmes et qui jouait au soccer. Elle voulait se joindre à un club de soccer dans la communauté. On lui a dit qu’elle ne pouvait pas porter de manches longues et qu’elle devait porter des culottes courtes, ce qui ne rendait pas cette activité très accueillante pour elle.

« Ces systèmes et ces structures empêchent les gens d’entrer (dans le sport). On ne cesse de dire qu’on veut faire grandir le sport, mais qu’est-ce qu’on fait pour vrai, pour que cela se produise? C’est un peu ma mission », ajoute Trono.

Elle dit que les organismes sportifs doivent être plus réfléchis et flexibles pour adapter leurs activités basées sur les normes dans différentes communautés, comme ils l’ont fait à la grande mosquée.

« Si on veut vraiment plus de diversité dans le sport, si on veut vraiment accueillir les nouveaux arrivants dans nos programmes, on doit faire des efforts authentiques pour que ça arrive. Poser une affiche, ce n’est tout simplement pas assez. »

Ce qu’elle espère, c’est que quelques participants ici peuvent se découvrir un amour pour le volleyball à travers ce programme et se sentir assez à l’aise pour éventuellement jouer dans des tournois avec d’autres équipes à Winnipeg, ce qui aidera à leur intégration. Comme ça, ça peut devenir un échange culturel avec les enfants canadiens.

« C’est mon espoir à long terme de voir comment on peut suivre cette trajectoire et ces liens parce que je ne veux pas que ça soit seulement dans notre communauté. Je veux que ça soit un pont vers d’autres équipes qui jouent au volleyball à travers le Manitoba », dit Harb.

 

Trono, dont le fils est musulman, dit que ce programme créera peut-être une meilleure compréhension entre les cultures et s’attaquera à l’islamophobie. Elle espère voir des équipes non musulmanes jouer à la mosquée ou de jeunes musulmans disputer des tournois dans d’autres communautés.

« On va voir comment ça se passe. Ils vont peut-être aller jouer un match amical à l’école ou des équipes vont venir jouer à la mosquée et il y aura un peu d’échange culturel où tout le monde apprendra des autres », dit Trono.

Elle mentionne que dans d’autres programmes qu’elle a mis en place avec de nouveaux arrivants, ce qui commence comme une activité sportive peut finalement avoir de plus grands avantages.

« Ce que j’entends des leaders nés au Canada (dans quelques-uns de nos programmes), c’est à quel point ç’a élargi leur vision du monde », poursuit Trono.

Harb mentionne qu’elle a déjà eu de belles conversations avec des leaders de la communauté de volleyball concernant le hijab, d’autres traditions musulmanes et le sport en général.

« C’est une façon d’amorcer ces conversations et de bâtir des relations. Il y a différentes manières de bâtir des relations (entre les cultures) et le sport en est une. Alors, je suis très emballée de voir ce que l’avenir nous réserve. »

Trono dit que selon son expérience, quelques participants pourraient vouloir aller plus loin dans le sport et elles les orienteront sur la façon de le faire.

« Ce qu’on retrouve avec presque toutes nos activités sportives, c’est que oui, on offre une exposition au sport comme le volleyball dans ce cas, mais aussi, on a souvent trois ou quatre jeunes qui veulent en faire plus. »

Harb indique qu’il est difficile de prédire exactement comment se dérouleront les choses à la mosquée, mais elle a aussi un rêve à long terme.

Elle aimerait voir plus de jeunes musulmans comme le joueur de la LNH Nazem Kadri ou encore Ibtihaj Muhammad, qui a remporté la médaille de bronze en escrime sous les couleurs des États-Unis aux Jeux olympiques de Rio en 2016, tout en portant le hijab.

Harb aimerait voir plus souvent cela avec des athlètes représentant le Canada, peut-être même au volleyball.

« À Winnipeg, on a Obby Khan, qui a joué au football (dans la LCF) et qui est maintenant membre de l’Assemblée législative de la province. Cela expose les nouveaux arrivants à l’idée que c’est possible », a souligné Harb.

Elle ajoute: « Ce serait bien de voir une femme musulmane porter le hijab dans l’arène publique du sport au Canada. »

 

Photo : Saad Tassoufra Photography.

Winnipeg